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Pour une véritable licence universitaire technologique

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Les conséquences de la réforme des Diplôme universitaire de technologie (DUT) et licences professionnelles, avec la création des Bachelors Universitaires de Technologie (BUT), commencent à se faire sentir. Notamment avec la décision des écoles d’ingénieur·es regroupées au sein de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) de n’intégrer les étudiant·es qu’en première année du cycle ingénieur, considérant de fait que le diplôme n’a qu’une valeur de bac+2 au lieu de bac+3.

En 2020, 120 000 étudiant·es étaient inscrit·es pour préparer un DUT dont 63 % issus de bac généraux et 33 % de technologiques. Les instituts universitaires de technologie (IUT) offrent des formations associant théorie et pratique professionnelle. Ils proposent aussi, avec les sections de technicien supérieur (STS), les formations les moins discriminantes socialement (20 % d’enfants d’employé·es, 12 % d’enfants d’ouvrier·es). En effet, la double possibilité d’une insertion professionnelle immédiate comme d’une poursuite d’étude (30 % en licence professionnelle, 24 % en 3e année de licence et 20% en écoles d’ingénieur·es) favorise cette mixité d’origine sociale et scolaire. Malheureusement, la réforme du Bachelor universitaire technologique (BUT) est passée par là, au plus mauvais moment.

Alors que les équipes pédagogiques étaient déjà épuisées par la désorganisation des enseignements sous l’avalanche de protocoles Covid improvisés, confinés, déconfinés, hybrides, la réforme du BUT imposée dans une urgence inédite, transforme radicalement le cadrage national reposant dorénavant sur une approche compétences. Rares sont les enseignant·es qui auront eu le temps de comprendre ce que sont véritablement les « situations d’apprentissage et d’évaluation » ni comment elles s’articulent avec les « composantes essentielles », à ne pas confondre avec les « apprentissages critiques » et leur grilles critériées, soit, pour les 24 spécialités, plus de 4000 pages de programmes. Et ce, uniquement pour la première année du BUT, car le ministère a imposé, contre l’avis des chef·fes de département des IUT, de produire sans délais un programme de première année sans s’occuper des 2e et 3e années. Les tenant·es de l’approche programme (c’est-à-dire celles et ceux qui conçoivent le programmer comme l’unité de base de la formation) apprécieront la cohérence de la démarche. Il faut maintenant faire avec. Mais à quel enjeu peut bien répondre une réforme si urgente ?

Lors de la réorganisation des diplômes de l’enseignement supérieur conduisant au système Licence-Master-Doctorat, pour Licence (BAC+3), Master (BAC+5), Doctorat (BAC+8), les DUT comme les BTS et les CPGE ont été oubliés, restant à BAC+2. La transformation du DUT en BUT (BAC+3) répare-t-il cet oubli ? Le fait que le nombre d’heures d’enseignement (+16%) n’ait pas suivi l’allongement de la durée des études (+50 %), surtout complétées par des stages, laissait planer un doute. Les écoles d’ingénieur·es viennent d’y répondre sévèrement. En remettant en cause les possibilités de poursuites d’études en écoles d’ingénieur·es, c’est l’attractivité et la mixité de ces filières qui vont être largement affaiblies. Les détracteur·ices des IUT affirmeront que ceux-ci ont été détournés de leur mission première de formation professionnelle et transformés en voie de contournement des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). C’est oublier qu’on trouve en CPGE presque deux fois moins d’enfants d’ouvrier·es (7 %) et d’employé·es (11 %) qu’en IUT (ou STS). C’est oublier qu’il est plus simple de développer des pédagogies reposant sur la coopération et l’entraide dans un IUT que dans une CPGE qui prépare des concours. C’est oublier que le savoir-faire technologique et pratique acquis dans les IUT se révèle très utile dans une formation d’ingénieur·e.

Enfin, l’impact de cette réforme sur les licences professionnelles, qui offrent également un débouché aux étudiant·es de BTS, ne semble pas avoir été l’objet d’une attention particulière. Personne ne sait précisément ce que ces licences vont devenir alors que le BUT mène aussi à BAC+3. La survie de ces formations sera-t-elle tranchée par leur mise en concurrence libre et non faussée ?

Les étudiant·es et les enseignant·es de nos filières technologiques méritent plus d’attention. Ils n’ont pas à subir des réformes improvisées dans l’urgence, de façon dogmatique et autoritaire.

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