Une loi présentée en Conseil des ministres ce mercredi prévoit des exceptions pour accélérer la reconstruction de Notre-Dame de Paris. Stéphane Bern et Jack Lang se disent inquiets.
Le gouvernement a présenté ce mercredi lors du Conseil des ministres, un projet de loi qui vise à permettre la reconstruction de Notre-Dame de Paris en cinq ans comme annoncé par Emmanuel Macron. Un délai tenable aux yeux de nombreux experts, mais trop court, selon d’autres, notamment en raison des délais des expertises. Pour accélérer la restauration, le texte donne la possibilité au gouvernement de « prendre par ordonnance les mesures d’aménagement ou de dérogation à certaines dispositions législatives qui seraient nécessaires afin de faciliter la réalisation des travaux ».
Il s’agit notamment de passer outre des obligations en matière de marchés publics et de lois de protection du patrimoine. Celles-ci prévoient notamment le recours obligatoire à des architectes en chef des monuments historiques pour les travaux de restauration portant sur un édifice classé appartenant à l’État « tant pour l’élaboration des projets ou des devis que pour la direction de l’exécution des travaux ». Ce qui est le cas de Notre-Dame de Paris.
Stéphane Bern craint que cette loi créé des précédents
Déroger à ces règles pour assouplir la procédure inquiète plusieurs personnalités dont Jack Lang et Stéphane Bern. « Le risque est de créer des précédents. Il y a beaucoup de précipitation. Les lois d’exception, ça m’angoisse toujours », a déclaré à l’AFP l’animateur de télévision également chargé d’une mission de patrimoine par Emmanuel Macron.
De son côté, l’ancien ministre de la Culture s’est déclaré enthousiaste par rapport à « la célérité de l’action du gouvernement en faveur de la restauration ». Il salue notamment « la création d’un établissement public, […] qui permet qu’un véritable commando prenne les choses en mains ». Toutefois, il pose une réserve « sur la liberté qui serait accordée de s’affranchir des règles du marché public ».
Beaucoup d’autres gros chantiers n’ont pas eu besoin de telles exceptions selon Jack Lang
« Nous avons, par le passé, mené à bien des chantiers d’ampleur sans avoir besoin d’une telle disposition », a observé celui qui a notamment supervisé la construction de la Pyramide du Louvre il y a 30 ans. « En neuf mois, nous avons redoré ainsi le Dôme des Invalides en 1988, et, en quatre ans, nous avons restauré la totalité du Palais du Louvre sans aucune dérogation. De même la cathédrale de Strasbourg et beaucoup d’autres chantiers », a-t-il poursuivi.
L’ex-ministre a par ailleurs reconnu « s’interroger sur l’adéquation d’un concours international d’architectes au projet de rénovation de la flèche » de la cathédrale.
Les conservateurs-restaurateurs se sentent exclus des débats
Dans une tribune publiée par Le Figaro, Alexandre Gady, professeur d’histoire de l’art à Paris Sorbonne a dénoncé un « caprice » à propos du délai de cinq ans posé par Emmanuel Macron. Interrogé par France info, il critique la volonté du gouvernement de faire une ordonnance avant même le diagnostic. « Pourquoi court-circuiter toutes les procédures existantes qui ont servi après les deux guerres mondiales, qui ont servi au 19e siècle quand il y a eu aussi des incendies de cathédrales […] Pourquoi faire des lois si ensuite on fait des lois d’exception, pourquoi donner des règles à tout le monde si ensuite d’autres s’en affranchissent? », interroge-t-il.
Le ministère de la Culture a réfuté ces critiques: « il ne s’agit nullement de déroger aux principes fondamentaux de la protection du patrimoine. La restauration au contraire doit constituer un exemple de restauration avec un très haut degré d’exigence », assure-t-il. Les règles, pour les dérogations, « sont très étroitement délimitées », insiste-t-il, et l’exposé des motifs de la loi « vise spécifiquement la législation applicable aux abords des monuments, et non les monuments eux-mêmes ».
Par ailleurs, la Fédération des professionnels de la conservation-restauration a également publié un communiqué où elle déclare se sentir exclue des débats autour de la reconstruction de Notre-Dame.