Beaucoup craignaient une journée noire mercredi 1er mai pour les forces de l’ordre. Les policiers ont toutefois réussi à contenir les violences des Black blocks à Paris. Mais à quel prix?
Le gouvernement se savait attendu au tournant. Depuis le saccage des Champs-Elysées le 16 mars dernier lors d’une manifestation des Gilets jaunes, l’exécutif a décidé d’appliquer une tactique plus offensive pour contenir les violences. Un nouveau préfet de police, Didier Lallement, a notamment été installé dans la capitale. Celui-ci n’hésite pas à demander à ses troupes d’aller au contact pour éviter la formation d’un Black block. A la veille de la manifestation, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner avait aussi décidé de dramatiser l’enjeu pour montrer le risque réel de violences.
« 1.000 à 2.000 activistes radicaux, possiblement renforcés d’individus venant de l’étranger, pourraient tenter de semer le désordre et la violence. Ils devraient être rejoints par plusieurs milliers de ce qu’il convient désormais d’appeler des ultra jaunes, ces Gilets jaunes qui se sont peu à peu radicalisés », avait-il affirmé lors d’une conférence de presse le 30 avril. Mardi, Emmanuel Macron avait aussi demandé, au cours du Conseil des ministres, que la réponse aux « Black blocs » soit « extrêmement ferme » en cas de violence. Des appels à un mercredi « noir et jaune » avaient été lancés pour les manifestations du 1er mai et des Gilets jaunes et les Black blocs avaient appelé à transformer Paris en « capitale de l’émeute ».
Une réussite tactique…
Finalement, l’apocalypse annoncée n’a pas eu lieu. Des échauffourées ont bien eu lieu entre Black blocs et la police mais les autorités ont su garder le contrôle du terrain. Il n’y a pas eu aussi d’action symbolique comme l’incendie et la dégradation du McDonald’s près du Jardin des plantes le 1er mai 2018.
Cette réussite tactique de la police a été soulignée par plusieurs médias. A sa une, le journal de gauche Libération titre ainsi « Un 1er Mai neutralisé » et souligne que « les Black blocks, qui s’étaient invités dans le cortège parisien, ont été contenus par les forces de l’ordre ». En pages intérieures, le journal affirme que « la préfecture se rassure, le Black block fait un flop ». Le quotidien de droite Le Figaro note pour sa part à sa une que « la police contient les violences du 1er Mai ». « A Paris, l’important dispositif policier a permis d’éviter le chaos », estime le journal. Des vitrines brisées, des feux de poubelles ou des départs d’incendie sont toutefois à déplorer. Mais la perception générale est bien que le pire a été évité.
…Mais pas sans conséquences néfastes
Mais cette nouvelle stratégie de la préfecture de police a pu aussi avoir plusieurs conséquences néfastes :
D’une part, l’utilisation très rapide des gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre a touché de nombreux militants non violents. Le patron de la CGT Philippe Martinez s’est notamment plaint de la répression policière. La police a « tiré des gaz lacrymogènes sur la CGT », alors que les militants syndicaux étaient « très identifiables », a-t-il dénoncé en fin de journée sur BFMTV. Lui-même confie avoir dû « reculer », car « vous savez, les gaz lacrymogènes, malgré le 1er mai, ne sont pas parfumés au muguet ». Plus tôt, la CGT avait dénoncé dans un communiqué « une répression inouïe et sans discernement » de la part des forces de l’ordre, en réponse aux « actes de violence de certains ».
La préfecture de police a réfuté ces accusations. « La CGT n’a jamais été la cible des policiers et gendarmes qui ont assuré leur mission avec détermination face à des casseurs violents », a-t-elle assuré dans un communiqué posté sur Twitter. « Les forces de l’ordre ont pour mission de faire respecter l’ordre républicain, qui permet à chacun d’exprimer ses opinions en toute sécurité », a-t-elle encore commenté.
D’autre part, cette nouvelle tactique a aussi perturbé le déroulement classique de la manifestation. Eric Beynel, porte-parole de Solidaires, a ainsi accusé la police d’avoir « essayé de voler » le 1er mai aux organisations syndicales. « On n’a pas arrêté d’être harcelés par les forces de l’ordre. J’ai dû répondre à une interview avec un masque à cause des gaz lacrymogènes » juste avant le départ de la manifestation parisienne, a-t-il raconté à l’AFP.
Enfin, les consignes de la préfecture de police ont transformé Paris en une ville morte. De nombreux commerces ont du fermer leurs portes, des dizaines de stations de métro ont été fermées, provoquant des désagréments pour les touristes et pour les Parisiens.