Dans de plus en plus de pays démocratiques, une majorité d’électeurs pensent que voter n’a aucun sens. En moyenne, 63% des électeurs de 22 pays étaient d’accord avec l’affirmation « les partis traditionnels et les politiciens ne se soucient pas des gens comme moi » dans une étude de 2017 de la société de recherche Ipsos.
En France, cette croyance était partagée encore plus largement qu’ailleurs. Peu importe à quel point le premier tour de l’élection présidentielle française a été excitant la semaine dernière, peu importe à quel point le second tour est excitant: en vain. Lors du premier tour de scrutin le 10 avril, plus d’un quart des électeurs inscrits sont restés à la maison. Parmi ceux qui se sont rendus au bureau de vote, un demi-million ont voté blanc. Ainsi, près d’un électeur français sur trois n’a pas participé aux développements importants qui se sont cristallisés à la suite de ce scrutin.
Les partis qui ont porté la Ve République française à travers le changement de pouvoir et la division du pouvoir ont disparu du tableau au premier tour. Le Parti socialiste (PS) et le parti de la droite économique (Les Républicains, LR) ont recueilli ensemble moins de 7% des voix. Il y a dix ans, en 2012, il était encore de 57%. L’opposition socio-économique Gauche contre droite a été remplacée en France par celle entre upstairs et downstairs, pour reprendre le titre de la série dramatique britannique des années soixante-dix.
Le paysage politique français se compose aujourd’hui de trois courants idéologiques à peu près égaux. Un libéral, pro-européen et technocratique, centré autour de Macron; un nationaliste dont les principales figures sont Marine Le Pen et Éric Zemmour; et une gauche dans laquelle Jean-Luc Mélenchon occupe désormais une position centrale. Les systèmes tripartites sont notoirement instables. En raison du système électoral français, le courant perdant se voit également confier le rôle de faiseur de roi. Les électeurs de Mélenchon peuvent désormais décider qui, Macron ou Le Pen, devient président. Par conséquent, la question se pose immédiatement de savoir dans quel pays à deux flux la France évoluera.