Les annonces d’Emmanuel Macron lundi n’auront, semble-t-il, pas suffi. Les Gilets jaunes se disent toujours aussi déterminés à manifester samedi prochain. Mais, entre la mobilisation du gouvernement et les divisions entre les militants, le mouvement sera peut-être moins suivi.
Heures supplémentaires défiscalisées, annulation de la hausse de la CSG pour les retraités modestes, hausse de 100 euros par mois du revenu des travailleurs au Smic… Lundi soir, le président Emmanuel Macron a consenti à plusieurs mesures pour calmer la colère des Gilets jaunes et répondre à leurs demandes en matière de pouvoir d’achat. Depuis le 17 novembre, les journées de mobilisation se succèdent. Quelque 136.000 personnes ont manifesté le 8 décembre dernier, soit autant que la semaine précédente. Depuis, de nombreux Gilets jaunes appellent à défiler partout en France le 15 décembre, pour un acte 5 du mouvement.
Mais il n’est pas certain que cet acte de contrition d’Emmanuel Macron suffise à calmer les velléités de manifestation samedi prochain. Au contraire, « l’adresse à la Nation » du Président a mis les réseaux sociaux en ébullition.
Oui, car le noyau dur de manifestants se dit plus déterminé que jamais…
« Ouverte » et « apaisante ». C’est ainsi que Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, a qualifié l’allocution présidentielle, au micro de BFMTV mardi matin. Un rapide tour sur les groupes Facebook des Gilets jaunes révèle une toute autre situation. Sur le réseau social, les annonces d’Emmanuel Macron semblent au contraire avoir ravivé la détermination à poursuivre le mouvement.
« Acte 5, oui ou pas? » « Qui est chaud? » « Macron vous a-t-il convaincu? » Depuis le discours du Président lundi soir, les messages de ce genre se multiplient. Tous récoltent un engagement quasiment unanime à continuer la mobilisation. Une annonce cristallise la colère : les 100 euros supplémentaires par mois pour ceux qui touchent le Smic. Beaucoup ont tout d’abord interprété cette mesure comme une hausse du salaire minimum. Il s’agit en réalité d’une hausse de la prime d’activité. « De l’enfumage », concluent de nombreux Gilets jaunes sur Facebook, qui estiment qu’Emmanuel Macron joue sur les mots.
Dans le même temps, le nombre d’internautes qui disent vouloir battre le pavé le 15 décembre a bondi. Mardi matin, l’événement Facebook « Acte 5 Gilets jaunes à Paris » comptabilisait 2.100 participants et 13.000 intéressés, contre 490 participants et 2.900 intéressés lundi en début d’après-midi. La page « Acte 5 : Macron démission » récolte, elle, 8.700 participants et 56.000 intéressés. Un autre événement, créé le 9 décembre, appelle même à un « acte 8 : réveillon des gilets jaunes sur les Champs Elysées ». Dans un sondage publié lundi soir par Eric Drouet, l’une des figures du mouvement, plus de 14.000 personnes disent vouloir un acte 5 samedi.
… mais les Gilets jaunes sont divisés
Un acte 5 semble donc se profiler, mais il ne bénéficiera peut-être pas du même soutien de l’opinion publique. L’allocution d’Emmanuel Macron a révélé quelques fêlures entre les Gilets Jaunes, plus ou moins conciliants avec le gouvernement. Parmi les figures du mouvement, la Bretonne Jacline Mouraud appelle ainsi à « une trêve ». « Il y a des avancées, une porte ouverte », juge-t-elle. Porte-parole des Gilets jaunes libres, un collectif jugé plus modéré, elle ajoute : « On a une économie qui s’effondre, des commerçants prêts à mettre la clé sous la porte, on ne peut pas se rendre responsables d’une multitude de dépôts de bilan ».
Pas question de ralentir, clame au contraire Priscillia Ludosky, une initiatrice du mouvement. « Il y a un mois, le gouvernement disait : on garde le cap. (…) Aujourd’hui, à notre tour de répondre : on garde le cap », encourage-t-elle sur son profil Facebook. Même ton sur la page « La France en colère!!! » d’Eric Drouet : « trop peu, trop tard, après trop de violence et de mépris, à samedi! » De son côté, Maxime Nicolle, connu sous le pseudo Fly Rider, a exhorté à continuer le mouvement. Dans un live Facebook, visionné par 17.000 personnes, il a qualifié les mesures d’Emmanuel Macron de « miettes ». Avant de déclarer : « Je pense que vous serez tous d’accord pour dire qu’il faut passer la seconde. »
Finalement, l’enjeu pour Emmanuel Macron n’était pas d’empêcher un acte 5, mais plutôt d’affaiblir le lien entre les manifestants véhéments et le reste de l’opinion. Ceux qui, jusqu’ici, soutenaient le mouvement sans y participer. Le Président devait « créer une brèche dans l’opinion, en s’adressant surtout à ceux qui soutiennent les Gilets jaunes » en vue « de marginaliser les jusqu’au-boutistes », analyse l’expert en communication politique Christian Delporte auprès de l’AFP.
Selon deux sondages révélés mardi, le chef de l’Etat aurait en partie réussi. Dans une enquête OpinionWay pour LCI, 54% des sondés se prononcent pour un arrêt du mouvement. A l’inverse, dans un sondage Odoxa pour Franceinfo, 54% veulent que la mobilisation se poursuive. Mais les deux études se rejoignent sur un point : une majorité des sondés approuvent les mesures annoncées. Les personnes interrogées par Odoxa sont beaucoup plus nombreuses à se dire convaincues par le Président que lors de son précédent discours, le 27 novembre.
… et le gouvernement se mobilise pour rallier l’opinion
Depuis l’allocution d’Emmanuel Macron, le gouvernement se mobilise pour une opération service après-vente. Objectif : rallier l’opinion. Il bénéficie d’à peine cinq jours pour y parvenir. Première étape : expliquer les mesures présidentielles. Depuis lundi soir, les membres du gouvernement défilent dans les médias : la ministre du Travail Muriel Pénicaud sur France 2 et France Inter, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux sur BFMTV, la ministre des Transports Elisabeth Borne sur Franceinfo ou encore la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal sur Sud Radio. Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale et pilier de La République en marche, s’est lui exprimé sur RTL.
De son côté, Edouard Philippe doit détailler cet après-midi les mesures annoncées devant le députés. Emmanuel Macron, lui, recevra des représentants du secteur bancaire, mardi, et des grandes entreprises, mercredi, en présence du Premier ministre et d’autres membres du gouvernement. Et ce « pour les mobiliser et apporter des réponses concrètes à la situation économique et sociale », indique l’Elysée dans un communiqué. Le Président devait également recevoir les parlementaires de la majorité à l’Elysée mardi. En attendant, blocages et mobilisations continuent partout en France.