Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire reçoit jeudi le Medef pour entamer les négociations autour d’une des annonces d’Emmanuel Macron : la suppression à venir de niches fiscales pour les entreprises. Depuis quelques semaines, Bercy lance des propositions tous azimuts sur le sujet.
C’est l’annonce qui ne fait pas plaisir au patronat : jeudi dernier, Emmanuel Macron a annoncé que la baisse d’impôts de 5 milliards d’euros sera financée par la nécessité de travailler davantage, la réduction des dépenses publiques et la réduction des niches fiscales pour les entreprises. Ce troisième levier fait l’objet d’un vif agacement du patronat, comme l’a résumé Geoffroy Roux de Bézieux, patron du Medef, mardi sur France inter : « On a bien compris que les entreprises allaient payer. » Jeudi, il a rencontré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire pour un premier tour de table sur le sujet.
« Une discussion constructive », a assuré après la réunion le ministre, précisant que son travail de consultation s’étalerait sur « plusieurs semaines ». Mais des propositions sont déjà sur la table. Depuis une semaine, plusieurs « sources gouvernementales » ou « concordantes » lancent dans la presse des pistes de réflexion.
Ce gazole non routier qui avait déclenché la crise des Gilets jaunes
L’automne dernier, l’exécutif avait tenté, dans le cadre du projet de budget pour 2019, de mettre fin au taux réduit sur le gazole non routier pour certains secteurs comme les travaux publics. Pour les seuls BTP, cela représente 900 millions d’euros.
La perspective de supprimer cette niche avait aussitôt déclenché une levée de boucliers des professionnels au moment même où s’enclenchait la mobilisation des Gilets jaunes. Et, mi-décembre, le gouvernement avait finalement renoncé à son projet. Mais l’hypothèse n’est clairement pas écartée à en croire des sources citées par l’AFP et Les Echos.
Le mécénat sauvé par l’incendie de Notre-Dame de Paris?
Autre sujet déjà débattu lors de l’examen du dernier budget au Parlement : le mécénat d’entreprise. Cela représente une enveloppe annuelle de 3,5 milliards d’euros répartie sur des projets autant sportifs (48% selon les chiffres de 2016), sociaux (26%) que culturels (24%).
Les entreprises bénéficient d’une réduction d’impôt de 60% dans la limite de 0,5% de leur chiffre d’affaires annuel hors taxe. Exception faite pour les dons en faveur de l’achat par l’Etat d’un trésor national, la réduction d’impôt s’élevant alors à 90%.
Des avantages fiscaux auxquels plusieurs gouvernements, depuis 2007, ont essayé de s’attaquer. En vain. Le poids du mécénat est si important en France qu’il finance une grande partie de la politique culturelle et sportive du pays. De plus, supprimer cette niche au lendemain de l’incendie de Notre-Dame de Paris ne sera peut-être pas forcément compris par une partie de la population.
La « niche Copé » finira-t-elle par être supprimée?
Moins emblématique et plus technique, la « niche Copé » pourrait bien être supprimée. Il s’agit d’une exonération d’impôt sur les plus-values de cession de filiales. Dans le cadre du budget 2019, elle a déjà été rabotée de près de 280 millions d’euros. Elle pourrait être définitivement enterrée.
Des avantages fiscaux sectoriels rabotés
La plupart des niches fiscales concernent des secteurs particuliers. Jeudi, Bruno Le Maire lui-même a indiqué qu’il entendait mener des consultations avec des représentants de secteurs donnés. Trois d’entre eux reviennent avec insistance dans la bouche des « sources gouvernementales ».
D’abord, le secteur aérien. Selon Les Echos, « il serait question de revenir sur l’exonération de taxes sur le kérosène pour les vols intérieurs », la réglementation internationale ne permettant pas de revoir la fiscalité concernant les vols vers l’étranger. La somme en jeu est conséquente et connue : 500 millions d’euros.
Les BTP sont aussi concernés, d’autant qu’il s’agit de l’un des secteurs bénéficiant du plus grand nombre de niches fiscales. Selon Le Figaro, deux scénarios seraient en cours d’étude à Bercy :
La suppression d’une ou plusieurs niches importantes, comme celle de la TVA réduite pour les travaux dans l’ancien (3,2 milliards d’euros).
Supprimer « des dizaines et des dizaines de petites niches moins sensibles », ce qui présenterait « l’immense inconvénient de multiplier les foyers de protestation ».
Enfin, la suppression du taux intermédiaire (10%) de TVA pour la restauration. L’an dernier, Bruno Le Maire s’était déjà dit « ouvert » à un réexamen de ces taux préférentiels, avant d’écarter tout choix susceptible d' »affecter l’activité économique ou les emplois ».
Le crédit impôt recherche, ligne rouge pour le Medef
« Quoi qu’il arrive, nous ne prendrons des décisions qu’en cohérence avec la politique économique du gouvernement, qui est une politique de compétitivité, d’innovation et de développement durable », a promis jeudi après-midi Bruno Le Maire.
Certaines lignes rouges ont déjà été posées. Le ministre de l’Economie a par exemple assuré à plusieurs reprises ces derniers mois qu’il ne toucherait pas au crédit impôt recherche, qui pèse 6 milliards d’euros sur les finances publiques. Et le Medef a d’ores et déjà prévenu qu’il se battrait pour son maintien, le jugeant « vital pour l’économie du pays ».