Il y a un mois, Edouard Philippe était plus populaire qu’Emmanuel Macron. Il est aujourd’hui pointé du doigt, par l’opinion publique et par sa majorité, dans la crise des Gilets jaunes.
Le 21 octobre, Edouard Philippe devançait de 12 points dans les sondages Emmanuel Macron. Un net écart de popularité qui semble bien loin désormais. Critiqué pour sa gestion de la crise des Gilets jaunes, le Premier ministre a lourdement chuté dans deux baromètres de popularité. Selon le sondage Ipsos pour Le Point de mercredi dernier, 65% des sondés jugeaient défavorablement son action, contre 59% un mois plus tôt. Trois jours plus tôt, Edouard Philippe chutait de 7 points (à 34%, contre 41% au mois d’octobre) dans le sondage Ifop pour JDD. Et mercredi soir, ce sont 81% des Français qui estimaient dans un sondage Elabe pour BFMTV que l’exécutif n’était pas à l’écoute des Gilets jaunes.
Quand Edouard Philippe était jugé plus compétent qu’Emmanuel Macron
Le 2 octobre, la démission précipitée de Gérard Collomb plonge l’exécutif dans une crise politique, Edouard Philippe endossant provisoirement la fonction de ministre de l’Intérieur. En partant de Beauvau, Gérard Collomb critique Emmanuel Macron. Le chef d’Etat sort d’une mauvaise séquence, pendant laquelle il a confié au JDD, lors d’un déplacement en Martinique, qu’il ne changerait pas de politique face au mécontentement croissant des Français sur le pouvoir d’achat.
Il doit aussi justifier des propos jugés maladroits, notamment son conseil à un jeune horticulteur de « traverser la rue » pour trouver du travail ou sa petite phrase sur les « Gaulois réfractaires au changement ». Le tout faisant suite à l’affaire Benalla, dans laquelle il a vu son image écornée.
A l’inverse, Edouard Philippe paraît au-dessus de la mêlée médiatique. Son déplacement, dès le 15 octobre, dans l’Aude, où plusieurs communes ont subi d’importantes inondations, a été salué, quand le chef de l’Etat ne s’y est rendu que le 22 octobre. Le 11 octobre, dans un sondage pour Le Figaro et Franceinfo, 49% des Français jugent d’ailleurs Edouard Philippe plus compétent qu’Emmanuel Macron (36%). Autre critère évocateur : le Premier ministre a presque autant la « stature d’homme d’Etat » que le Président (41% contre 46%).
Edouard Philippe en première ligne face aux Gilets jaunes
Un mois plus tard, la situation est tout autre pour le Premier ministre. S’il s’est déjà exprimé mi-octobre lors des séances aux questions au gouvernement du Parlement, sur la hausse des prix des carburants, il répond pour la première fois aux critiques des Gilets jaunes le 14 novembre dans la matinale de RTL – la radio la plus écoutée de France. Il opte alors pour une ligne dure – « non, on ne va pas annuler la taxe carbone » – tout en annonçant quelques mesures à destination des manifestants : l’élargissement du chèque énergie et du dispositif des indemnités kilométriques, le doublement de la prime à la conversion, la défiscalisation des aides au covoiturage.
Mais Edouard Philippe ne convainc pas. Il annonce dans le même temps l’interdiction d’ici à 10 ans des chaudières au fioul, ce qui créé un nouveau motif d’agacement des Gilets jaunes. Au lendemain d’une première journée très suivi et relayée, il rejette, lors du 20 heures de France, la main tendue de Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT qui proposait de réunir les responsables publics pour trouver une sortie de crise.
Trop droit dans ses bottes? Le retour de l’étiquette juppéiste
Outre une baisse dans les sondages, une autre conséquence apparaît pour le locataire de Matignon : l’émergence d’une défiance au sein même de sa majorité. Malmenés dans leur circonscription, une partie des députés En marche pointent la responsabilité du Premier ministre, jugé trop « droit dans ses bottes », référence à la phrase employée par Alain Juppé quand il était à Matignon. « Je me demande si Juppé n’est pas plus malléable qu’Edouard Philippe », raille jeudi dans Le Figaro un député MoDem. « L’immense majorité des Marcheurs pensait qu’il fallait saisir la perche tendue par la CFDT », analysait dimanche pour le JDD le député LREM Jacques Maire, qui ajoute : « Beaucoup de gens dans le groupe disaient depuis des semaines qu’il fallait renforcer l’accompagnement social de la transition écologique. »
Mardi dernier, lors de la réunion du groupe En marche à l’Assemblée, certains se sont lâchés devant Edouard Philippe qui assistait aux débats. « Arrêtons de dire à des Français qui ne savent pas boucler leurs fins de mois qu’ils pourront avoir une prime à la conversion pour acheter une voiture », a ainsi expliqué la députée des Yvelines Aurore Bergé. Réponse agacée du Premier ministre : « Dans le plus fort de la mobilisation, avons-nous su occuper le terrain ou répondre aux critiques? Trop peu! » Un message à l’adresse des élus En marche peu présent dans les médias et sur le terrain depuis le début du mouvement.
Problème : aujourd’hui, le dialogue semble difficile à renouer avec les Gilets jaunes. Vendredi, les porte-parole désignés par une partie des manifestants sont invités à Matignon, mais deux d’entre eux ont déjà annoncé le boycott de la réunion, préférant dire leur colère dans la rue samedi.