Ils sont plusieurs milliers à vouloir se faire entendre le 17 novembre pour protester contre la hausse du prix des carburants. Des militants d’En marche ont lancé une contre-offensive.
Combien seront-ils à manifester leur mécontentement contre la hausse du prix des carburants le 17 novembre prochain à Paris et dans les rues de France? Sur les réseaux sociaux en tout cas, le nombre de Français – participants ou intéressés par un tel blocage – ne cesse de croître. Face à ce mouvement lancé par des citoyens, mais qui a reçu depuis le soutien de plusieurs partis dont le Rassemblement national, des militants et sympathisants La République en marche ont lancé un hashtag « Sans moi le 17 ». Retour sur cette opposition.
POUR le blocage du 17 novembre
Des citoyens lancent pétition et événement Facebook
Lundi midi, sur la page Facebook dédiée, plus de 40.000 personnes disaient vouloir participer au « blocage national contre la hausse du carburant » (et 200.000 personnes intéressées) qui aura lieu le 17 novembre prochain à Paris, plus précisément à 14 heures sur le périphérique, porte de Bercy. D’autres mobilisations sont prévues dans de nombreuses villes de France. « On ne pensait pas que ça allait prendre une telle ampleur », a reconnu l’un des co-organisateurs Eric Drouet sur BFMTV. Il appelle le gouvernement à « arrêter de punir le citoyen » et voit dans cette mobilisation un « mouvement populaire ». « On est très loin des chiffres annoncés sur Facebook, tous ne sont pas inscrits [sur le réseau social], ça va être encore plus grand que ça », assure-t-il.
C’est le 10 octobre dernier qu’avec un collègue, également chauffeur routier originaire de Seine-et-Marne, qu’Eric Drouet a décidé de créer cet événement. Comme Bruno Lefevre, l’un des autres co-organisateurs, l’a expliqué à CheckNews : « On parlait un soir au téléphone, et on se disait qu’on en avait marre de payer des taxes et des taxes et de voir le prix du carburant qui augmente. […] On n’habite pas en ville, et on ne peut pas se permettre de prendre des transports en commun qui sont presque inexistants. La première boulangerie à côté de chez moi est à 5 km, je suis obligé de prendre la route. »
Parallèlement, une pétition lancée il y a 5 mois par Priscillia Ludosky, une habitante de Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne) âgée de 32 ans, a également pris de l’ampleur ces derniers jours, atteignant plus de 500.000 signatures. Elle est intitulée « Pour une baisse des prix du carburant à la pompe » et est adressée au ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy (elle l’était initialement à Nicolas Hulot). « Il est tout à fait honorable que nous cherchions des solutions pour circuler en polluant le moins possible notre environnement. Mais la hausse des taxes imposée par le gouvernement n’est pas la solution! », peut-on notamment y lire.
« Quand j’ai vu mon plein passer de 45 à 70 euros, j’ai cherché à savoir de quoi était composé ce prix, explique la jeune femme de 32 ans. Je me suis rendu compte que le gouvernement pouvait agir en baissant les taxes. C’est donc ce que je lui demande », explique la jeune femme, qui roule au diesel, dans Le Parisien.
D’autres initiatives ont vu le jour : outre la page événement du 17 novembre, un groupe Facebook « La France en colère » (auparavant Stop au carburant au prix de l’or, puis Les automobilistes en colère) a été créé le 15 octobre et regroupe plus de 93.000 membres ; à la mi-septembre, l’association 40 millions d’automobilistes a lancé l’opération « Coup de pompe » exhortant les Français à envoyer leur ticket de paiement de carburant à Emmanuel Macron. Le tout accompagné d’un courrier de protestation, téléchargé plus de 700.000 fois en un mois. Du jamais-vu, selon Pierre Chasseray, le délégué général de l’association.
Plusieurs partis soutiennent le blocage du 17 novembre
C’est le cas du mouvement de Nicolas Dupont-Aignan. « Il faut bloquer toute la France le 17 novembre, il faut que la population française dise à ce gouvernement : ‘maintenant ça suffit' », a déclaré sur RMC le président de Debout la France (DLF), en soulignant que c’est un « samedi parce qu’il ne faut pas paralyser les gens qui travaillent ». « On met des taxes au nom de l’écologie uniquement pour pénaliser ceux qui travaillent, parce qu’ils sont facilement taxables, corvéables à merci », a-t-il accusé. Sur les réseaux sociaux, une vidéo de Frank Buhler, qui se présente comme un délégué de circonscription du parti Debout la France (DLF) en Tarn-et-Garonne et ancien proche de Philippe de Villiers, a été vue plus de 4 millions de fois sur Facebook. Celui qui dit « porter la parole de la patriosphère » appelle à un blocage national « pour exiger une baisse des tarifs de l’essence ».
Le Rassemblement national aussi soutient le mouvement du 17 novembre. « L’ensemble de nos élus et délégués départementaux, de nos fédérations, rejoindront la contestation qui est en train d’émerger », a ainsi indiqué la présidente Marine Le Pen sur Europe 1. « Il va falloir que le gouvernement comprenne que les Français n’en peuvent plus, ils ne peuvent plus se déplacer en voiture […]. Nos ministres vivent à Paris mais dans la ruralité la voiture c’est essentiel », a-t-elle ajouté. Un visuel et une pétition ont même été publiés sur les réseaux sociaux : « Racket des automobilistes et des motards, ça suffit! »
Une récupération dénoncée par les organisateurs de l’événement. « On est rattaché à aucun mouvement politique. Je vois qu’il y en a beaucoup qui essaient de s’attribuer le mouvement comme le FN ou d’autres. On ne fait partie d’aucun groupe politique, ce n’est que les citoyens de France qui se mettent en mouvement », argumente Eric Drouet sur BFMTV. Idem du côté de Priscillia Ludosky, qui se dit « affiliée à aucun parti politique » :
CONTRE le blocage du 17 novembre
Des soutiens d’Emmanuel Macron
Face à ce mouvement qui prend de l’ampleur, des défenseurs des hausses de taxes sur les carburants, notamment des militants du parti gouvernemental, La République en Marche (LREM), ont organisé la riposte sur Twitter, via le hashtag « Sansmoile17 », à partir du 26 octobre. Un visuel a également été lancé :
Le #17novembre, ça sera sans moi. L’extrême droite est à la manoeuvre, elle n’en a que faire de l’environnement ou du pouvoir d’achat des français. Elle ne veut que le pouvoir, par la révolution pour instaurer sa haine crasse et nauséabonde. #sansmoile17
Joint par le JDD, Loïc Branchereau, collaborateur En marche à Strasbourg, qui est à l’initiative de ce hashtag avec le groupe « Socio Dém En Marche », en explique la raison : « Nous avons été interpellés par la récupération politique faite par les extrêmes. […] Le principal problème est que ça donne de la visibilité à la fachosphère. On a vu qu’il y avait une volonté de récupérer le truc pour faire monter la sauce. » Il reconnaît cependant que ces élus ne sont pas ceux qui ont initié le mouvement du 17 novembre. « Je peux comprendre la colère de certaines personnes à la suite de la hausse du prix des carburants, je la vis à titre personnel. Maintenant, on ne peut pas vouloir faire de l’écologie sans en assumer les conséquences », estime Loïc Branchereau.
Un axe repris par ceux qui partagent le hashtag « Sansmoile17 » ; beaucoup affichent dans leur bio Twitter leur proximité avec En marche. On peut ainsi lire : « Moi je marche pour le climat, pas pour les pollueurs » ou « On ne demande pas plus d’écologie d’une main tout en demandant plus de gazole de l’autre ».
Loïc Branchereau a-t-il eu un retour de La République en marche ou fait valider son initiative en amont? « Rien du tout. Il n’y a pas le logo d’En marche sur le visuel. C’est une initiative prise en tant que militant LREM mais aussi en tant que citoyen. Il n’y avait pas de validation à avoir », assure-t-il au JDD.
Et des défenseurs de l’environnement
Sur Facebook, l’astrophysicien français Aurélien Barrau, à l’initiative avec Juliette Binoche de l’appel de 200 personnalités pour sauver la planète paru en septembre dans Le Monde, a partagé l’image « Non, je ne participerai pas au mouvement de blocage » du 17 novembre. « C’est très bien que le prix de l’essence augmente ! Je suis pour : moins de bagnoles, moins de pollution, moins d’individualisme », écrit-il pour expliquer sa prise de position. Pour autant, il précise que les Français « en difficulté financière qui ont besoin de leur automobile, […] doivent être aidés ».