Vendredi, les Français vont constater une hausse des prix sur une partie des produits alimentaires de grande consommation (4%). Dans le même temps, une hausse du tarif réglementé de l’électricité devrait se produire dans trois mois. Des annonces qui tombent mal pour le gouvernement en pleine crise des Gilets jaunes.
Un membre du groupe Facebook « La France en colère!!! » du Gilet jaune Eric Drouet a déjà appelé mercredi à aller « tous dans la rue pour l’acte 12 contre l’inflation des prix de l’électricité ». La proposition, faite mercredi par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), d’augmenter le tarif réglementé de l’électricité de 5,9% TTC n’est pas passée inaperçue. Et ce n’est pas la seule mauvaise nouvelle annoncée cette semaine et commentée par les Gilets jaunes. La loi alimentation va entrer en vigueur vendredi et, avec elle, le relèvement du seuil de revente à perte (SRP).
Ce dispositif entraînera une hausse de tarifs sur 4% des produits alimentaires de grande consommation, comme l’a confirmé le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume mercredi matin. Là encore, les Gilets jaunes se sont emparés du sujet, à l’image de ce post Facebook partagé plus de 8.600 fois en dix jours montrant une pancarte dans un supermarché où sont dénoncées les hausses du prix d’un litre de Ricard et d’un paquet de café Carte noire.
Le gouvernement reporte la hausse du tarif d’électricité
Dans le même temps, les prix à la pompe, déclencheur de la crise des Gilets jaunes, remontent, malgré le gel des hausses des taxes sur le carburant pour l’année 2019. Les événements au Venezuela et la décision de l’Arabie saoudite de réduire ses exportations entraînent en effet une hausse mécanique, d’un centime par litre de gazole et de 0,5 centime par litre de sans plomb 95, sur la semaine du 21 au 27 janvier.
Si le gouvernement ne peut pas contrôler l’instabilité politique au Venezuela, il a d’ores et déjà communiqué sur les autres annonces.
Le ministère de l’Ecologie, cité par l’AFP, a ainsi annoncé son refus de prendre en compte dans l’immédiat la proposition de la CRE, arguant des prérogatives de l’Etat en période hivernale : « Le gouvernement, comme la loi l’y autorise, n’appliquera pas ces hausses tarifaires. » Ces dernières sont estimées à 85 euros par an pour un foyer qui se chauffe à l’électricité.
« Le gouvernement fera ainsi usage des délais prévus par la loi afin de protéger les foyers français, notamment les plus modestes, d’une trop forte hausse (…) dans une période de consommation élevée », a encore précisé le ministère.
Des moyens de limiter la hausse des prix de l’énergie
Le gouvernement dispose d’un délai légal de trois mois à compter de la proposition de la Commission, qui sera transmise après une délibération prévue le 7 février. En amont, la CRE, autorité administrative indépendante, consultera jeudi les fournisseurs et associations de consommateurs.
Mais la hausse tarifaire, justifiée par « une hausse des prix de marché de gros de l’électricité, ainsi qu’à une augmentation du prix des capacités électriques » selon le ministère, devrait être appliquée au 1er juin. Pour autant, le gouvernement dispose de plusieurs leviers pour en atténuer les effets :
L’Etat peut décider une baisse des taxes pour les fournisseurs, baisse qui sera ensuite répercutée sur les factures des consommateurs ;
La possibilité pour les concurrents d’EDF d’acheter à un tarif régulé de l’électricité nucléaire au fournisseur public ;
Le lissage de la hausse sur un an.
Le Premier ministre Edouard Philippe s’était déjà engagé en décembre à geler les hausses des tarifs de l’électricité et du gaz au 1er janvier 2019, l’une des mesures prises pour apaiser la colère des Gilets jaunes. Il a également annoncé son souhaite de réformer la régulation du marché de l’électricité, pour « faire bénéficier les consommateurs de la stabilité des coûts du parc de production français ».
Le ministre Didier Guillaume fait la pédagogie de la loi alimentation
L’application de la loi alimentation, elle, ne sera pas reportée. « Il y aura 4% des produits qui vont augmenter beaucoup. Je le regrette, j’aurais voulu que ce soit différemment, a déclaré Didier Guillaume mercredi matin sur France info. On essaie une chose, c’est qu’on ait encore une agriculture en France, pour arrêter d’acheter des produits qui viennent d’Amérique ou des pays de l’Est. »
Dans les supermarchés, « 500 produits sur 13.000 » devraient ainsi augmenter le 1er février, alors que dans les hypermarchés, « c’est 800 produits sur 20.000 » qui sont concernés, selon le ministre, qui a souhaité relativiser les informations parues mercredi dans Le Parisien.
Selon le quotidien francilien, 24 produits de grande consommation vont augmenter de 6,3% au 1er février avec la mise en application de la loi alimentation, qui prévoit le relèvement à 10% du seuil de revente à perte de la distribution. A cette date, les supermarchés ne pourront plus vendre à perte les produits d’appel sur lesquels ils basent leur communication. Ceux-ci devront être vendus au minimum 10% plus cher qu’ils ont été achetés.
Or, ces produits ne sont en général pas des produits agricoles directs, mais plutôt des produits de grande consommation fabriqués la plupart du temps par des géants de l’agroalimentaire (Danette, Coca-Cola, Caprice des Dieux, Ricard, Nutella, etc.) utilisés par les distributeurs dans leurs promotions pour attirer le chaland.
Pour UFC-Que Choisir, « ce sont les Français les plus modestes qui vont payer »
« La loi ne dit pas qu’il faut augmenter le Nutella, elle stipule qu’une grande surface ne peut pas vendre de produits aux consommateurs moins cher que ce que ça vaut », a précisé le ministre. Dans Le Parisien, Mathieu Escot, de l’association UFC-Que Choisir, pointe toutefois l’effet pervers de la loi : « Dans les hypermarchés qui se livrent à une guerre des prix ou chez les hard discounters, les hausses pourront être fortes. Or, ce sont ces magasins que fréquentent les Gilets jaunes. Ce sont donc bien les Français les plus modestes, avec un faible pouvoir d’achat, qui vont payer. »
Didier Guillaume, lui, renvoie la balle aux grandes enseignes, responsables, selon lui, de « prendre en otage les consommateurs » quand elles affichent deux tarifs, avant et après la loi. Mercredi matin, le ministre a ainsi demandé aux hypermarchés d' »indiquer aux consommateurs que, en gros, ce sera 50 centimes de plus par mois ».