Début Economie Dans l’Aisne, un chien détecte le cancer de la prostate

Dans l’Aisne, un chien détecte le cancer de la prostate

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Le cancer a-t-il une odeur ? À en juger par les prouesses de Looping, on est tenté de le croire. Ce chien, entraîné à détecter celui de la prostate, affiche un taux de réussite de 88 %.

Looping est un berger belge malinois de 4 ans. Il passera toute sa carrière militaire à… sentir de l’urine. « Pas la vie rêvée », consent son maître, l’adjudant-chef David, qui est à la tête du Peloton de soutien cynotechnique (PSC) de La Malmaison, rattaché au camp militaire de Sissonne (Aisne). Sauf si l’on considère que cela pourrait permettre, à terme, de détecter plus rapidement le cancer de la prostate, le premier dont souffrent les hommes.

C’est en tout cas la mission qui a été confiée au tandem par le professeur Cussenot, chef du service d’urologie de l’hôpital Tenon, à Paris. « Il a demandé l’assistance du ministère de la Défense pour étudier, grâce aux capacités olfactives du chien, de nouvelles méthodes de détection du cancer de la prostate, basées sur la recherche de molécules dans les urines », détaille le militaire qui a accepté la mission non sans une certaine appréhension. « Former un chien pour la défense des installations militaires, je sais faire ; mais ça… je partais dans l’inconnu, j’ai dû improviser. »

Pour former un chien à la détection de stupéfiants par exemple, le plus souvent, son maître en imprègne un jouet. L’animal finit par assimiler l’odeur des stupéfiants à son jouet et en opération, ce n’est pas les stupéfiants qu’il cherche en réalité, mais son jouet. Dans le cas présent, ce n’était pas possible car la molécule contenue dans l’urine n’est active que trente minutes. Et, difficulté supplémentaire, on ne sait pas quelle est cette molécule. Ce que l’expérience doit permettre de déterminer in fine. « Au départ, j’ai travaillé avec des échantillons dont je connaissais le résultat et j’ai habitué Looping à avoir une récompense quand il sentait l’échantillon positif. »

Les entraînements ont lieu deux à trois fois par semaine, toujours selon le même rituel. D’abord, c’est Raphaël, personnel civil du PSC, qui entre en scène. À charge pour lui de décongeler les échantillons d’urine qui sont transmis par l’hôpital parisien. « Je les place dans des bocaux, je suis le seul à savoir où est le positif car si le maître était dans la confidence, il pourrait, inconsciemment, influencer le chien », commente Raphaël.

Quand Looping arrive dans la salle, là aussi, le rituel est toujours le même. « Même si le premier pot qu’il sent contient le positif, il va marquer un léger arrêt, sans plus. Il va d’abord tous les sentir et ensuite, il marquera à sa manière : il tape sur la table, lèche le couvercle puis s’assied », commente l’adjudant-chef David. Un regard vers Raphaël pour s’assurer que Looping a senti juste et il lui donne son jouet en guise récompense.

Faire avancer la recherche
Après deux ans d’entraînement, Looping atteint 88 % de réussite quand la machine en est à 71 %. « On va désormais passer à la phase suivante », annonce le maître-chien.

Jusqu’à présent, les entraînements se faisaient avec des échantillons provenant de patients dont le cancer est avéré. Il était donc facile de s’assurer que le chien avait « raison ». Désormais, ce sera avec des échantillons qui, après IRM, sont jugés « peu probables » ou « douteux ». Le patient est alors suivi et le cancer est avéré parfois plusieurs années plus tard, ou pas. « Si le chien marque, une biopsie sera réalisée immédiatement, permettant une prise en charge plus rapide », espère l’adjudant-chef. Il n’est pas le seul.

Trois questions à Caroline Girardet, vétérinaire sur la base de Suippes:

Pourquoi faire appel au flair du chien ?

Le chien possède environ 200 millions de cellules olfactives contre seulement une dizaine de millions chez l’homme. Cela lui confère d’importantes capacités olfactives tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

Une première expérimentation a eu lieu de 2007 à 2011, avec quels résultats ?

Ils ont été significatifs et ont fait l’objet d’une publication dans une revue scientifique indexée, European Urology. Ces résultats suggèrent que des composés organiques volatils produits par des cellules cancéreuses peuvent conférer à l’urine une odeur caractéristique reconnue par un chien préalablement dressé. Une seconde étude a été lancée en 2016 avec Looping. L’objectif est de comparer les résultats obtenus par le chien avec ceux donnés par l’IRM, désormais utilisée dans le dépistage pour éviter la réalisation systématique d’une biopsie. Celle-ci sera réalisée en cas de marquage du chien.

Cette méthode pourrait-elle être transposable à d’autres types de cancer ?

Oui, cela a déjà fait l’objet d’expérimentations à l’étranger pour les cancers de la vessie, du sein, de la peau. L’objectif est d’identifier les molécules détectées par le chien pour élaborer un « nez électronique ». La finalité reste l’élaboration d’outils de diagnostic précoce du cancer.

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