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François Boulo, avocat et porte-voix des Gilets jaunes

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PORTRAIT – Cet avocat rouennais de 32 ans est l’une des figures montantes du mouvement des Gilets jaunes. La vidéo de son appel à la grève illimitée le 5 février a été vue plus d’un million de fois.

C’est en quelque sorte la nouvelle coqueluche des Gilets jaunes. De plateau TV en plateau TV, François Boulo, un avocat de 32 ans, porte-parole du mouvement à Rouen, commence à faire parler de lui. Posément, il expose ses arguments, fait face au vice-président du Medef Patrick Martin, à la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa dans l’émission de Cyril Hanouna, parle dette publique, référendum d’initiative citoyenne… « Il est très très bon », a dit de lui Eric Drouet dans l’une de ses récentes vidéos. Puis : « On va le mettre en avant de toute façon. Je l’ai en contact. François, il est très bien. »

Idem du côté de Maxime Nicolle : « Il m’explique comment on fait pour se mettre en grève. Il m’a dit qu’il allait sortir un petit doc facile à distribuer. » Contact a été pris la semaine dernière entre les trois hommes. « Je ne les ai jamais rencontrés. J’ai eu Eric et Maxime par téléphone. C’était un premier contact », indique François Boulo au JDD. Il ajoute : « Quoiqu’on dise d’eux, ils sont sincères et dévoués à la cause du mouvement. Il y en a d’autres dont on ne peut pas en dire autant. »

« Excellent », « bravo »
Sur Facebook, dans les groupes de Gilets jaunes, la verve de l’avocat suscite l’intérêt. « Excellent », « bravo », « très bonne intervention télévisée », peut-on lire à son propos. La vidéo de son appel à la grève générale illimitée le 5 février a été vue plus d’un million de fois. « Malheureusement, il n’y a qu’un seul terrain qui fonctionne avec ce pouvoir exécutif, c’est celui du rapport de force, au sens pacifique, du blocage de l’économie », affirme-t-il pour justifier cette action.

Il ne voit que deux issues à la « crise » actuelle et estime que « la balle est dans le camp » d’Emmanuel Macron :

« Soit le pouvoir change de cap politique et accueille nos revendications » ;
« soit , on va devoir avoir des élections anticipées, via une dissolution de l’Assemblée nationale, une démission de Macron ou parce qu’il y aura un référendum où il engagera son mandat. »
A ceux qui lui rétorquent qu’Emmanuel Macron a été élu sur un programme, François Boulo répond par la négative : « L’analyse des votes de l’élection [présidentielle] est très claire. Il avait une base de soutien de 10 ou 12%, mais dès le premier tour des gens ont voté pour lui par défaut et pour faire barrage à Le Pen. Même Chirac en 2002 n’a jamais considéré qu’il avait été élu sur son programme alors qu’il avait fait 80% face à Jean-Marie Le Pen au second tour. Il avait eu cette prudence-là. » Comprendre que ce n’est pas le cas d’Emmanuel Macron. « S’il ne doute pas de sa réélection, qu’il y revienne au suffrage! »

Si on ne traite pas les causes, de toute façon on aura Le Pen tôt ou tard

A ceux qui craignent une arrivée au pouvoir de l’extrême droite en cas de nouvelles élections, là encore l’avocat a sa réponse : « Si on ne traite pas les causes, de toute façon on aura Le Pen tôt ou tard. […] C’est la politique de Macron qui crée Le Pen. On court dans le ravin avec Macron. » François Boulo critique aussi l’égoïsme de « la classe supérieure qui est à la rue politiquement car elle n’a pas discuté sur les ronds-points » ces dernières semaines. Selon lui, elle se dit : « Je ne suis finalement pas mal dans ma situation donc je préférerais qu’il n’y ait pas de changement… »

Il ne veut pas d’un porte-parolat national
François Boulo deviendra-t-il porte-parole national des Gilets jaunes comme certains l’ont suggéré ces derniers jours? L’intéressé juge que cela « ne serait pas opportun », car le mouvement est « populaire et protéiforme ».

L’avocat rouennais avance une autre raison à ce refus :

« Cela ne sert à rien car le pouvoir exécutif ne veut pas négocier. Ce ne sont pas des démocrates, ils ne sont pas là pour écouter ce que l’on dit ; ce sont des technocrates qui sont persuadés d’avoir raison. Nous avons une classe dirigeante qui est aveuglée. Elle ne comprend pas ce qu’il se passe en Angleterre, aux Etats-Unis… Emmanuel Macron a 30 ans de retard, il nous fait le programme de Thatcher des années 1980. »
Le mouvement des Gilets jaunes, François Boulo y est venu dès le 17 novembre dernier. Ce jour-là, parti pour faire un footing, il s’arrête au rond-point de la Motte à Rouen. Il dit aujourd’hui qu’il « sentait depuis des mois la colère gronder dans le pays » et il s’est, dès le début, « senti Gilet jaune ». De discussions en réunions publiques, l’avocat – qui se dit appartenant à la classe moyenne, « voire CSP+ » – devient le porte-parole des Gilets jaunes de la ville normande. Un « mandat officiel » est signé. Le cadre de sa mission? « Défendre le mouvement dans les médias, mais pas de dialoguer ou de négocier avec le Président et le gouvernement. »

Sur les plateaux TV, l’énervement rend inaudible

Aujourd’hui, outre sa verve [il a été finaliste du concours d’éloquence du barreau de Rouen en 2014], c’est aussi son calme qui interpelle et impressionne. « Sur les plateaux TV, l’énervement rend inaudible », explique François Boulo, qui tire cette qualité de sa profession d’avocat qui l’a formée « à la plaidoirie et au contradictoire ». « J’ai commencé il y a sept ans. Quand, jeune avocat, votre confrère plaide en face de vous et dit l’inverse de ce que vous pensez du dossier, vous êtes agacé, énervé. Petit à petit, ça vous glisse dessus et vous rend indifférent. Vous entendez, mais vous réfléchissez à ce que vous allez répondre pour déconstruire ses arguments. C’est sûr que ça m’aide aujourd’hui. »

Le reste, il dit l’avoir appris en solo et avoir beaucoup travaillé. « J’ai commencé par essayer de comprendre la dette publique. Je suis allé voir le budget de l’Etat, j’ai découvert ce qu’était la création monétaire, j’ai dérivé sur plein de choses et j’ai découvert Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Frédéric Lordon, Olivier Berruyer, Paul Jorion, Les économistes atterrés… », raconte François Boulo. Ce « passionné de politique » – « mais pas des jeux de pouvoirs et des partis » – raconte avoir également revisionné « les débats politiques depuis les années 1970. L’Heure de vérité de Philippe Seguin, de Marie-France Garraud… Je me suis fait des week-ends sympas! », ironise-t-il. Il y a quelques mois, il a même envisagé faire un livre de toutes ses recherches : « J’avais pensé l’appeler Le Réveil citoyen. C’était en septembre dernier. J’avais commencé à écrire deux-trois chapitres, mais c’est tout. » Ensuite, il a été pris dans le mouvement des Gilets jaunes.

Vers une structuration politique?
Pourquoi un tel engagement? « J’essaie de mener la bataille des idées et d’expliquer l’ISF, le CICE… Que les gens comprennent pourquoi ils se font avoir. » Un travail que François Boulo fait aussi dans son entourage qui a « plutôt voté pour Macron ou Fillon » en 2017. « Je suis plutôt l’enquiquineur des dîners quand on parle politique », sourit-il. Lui assure être « inclassable politiquement ». Il poursuit : « Il n’y a pas un parti qui correspond à mes idées. Il y a plein de gens pour qui c’est pareil. Macron, il est au centre des 1% [les plus riches], moi je me situerai plutôt au centre mais des 99%. C’est ça la différence. »

Tant que la mobilisation n’aura pas permis des avancées pour les gens, elle ne s’arrêtera pas

S’il n’est pas favorable à une liste aux européennes – « quand vous êtes dans une mobilisation qui vise à contester la politique du pouvoir exécutif, je ne suis pas certain qu’une initiative qui permette de renforcer le parti majoritaire soit la meilleure des stratégies » – et à l’initiative d’Ingrid Levavasseur, François Boulo estime que si structuration politique du mouvement des Gilets jaunes il doit y avoir, cela se fera lors d’une élection nationale : présidentielle ou législatives. Est-ce que cela sera le cas? « Très honnêtement, je n’ai pas la réponse. Est-ce que les gens le voudront? Peut-être. Est-ce que ce sera possible? Je n’en sais rien. C’est compliqué. C’est un mouvement qui rassemble des millions de personnes. Comment vous faites pour structurer les choses, savoir qui fait quoi? Tout ça me paraît très loin. »

L’heure est à la mobilisation. « Tant qu’elle n’aura pas permis des avancées pour les gens, elle ne s’arrêtera pas », avertit-il. Dans le cas contraire et sans réelles réponses de l’exécutif, François Boulo met en garde sur la suite : « La colère aura-t-elle été apaisée? Non. Vous aurez mis un couvercle de force et cela va nous exploser en plein visage, en dix fois plus puissant, plus tard. Ce n’est pas souhaitable. »

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